Black Box au bloc opératoire : avantages, craintes et défis

Black box bloc opératoire

L’enregistrement vidéo et audio en continu « Black Box » au bloc opératoire est en train de s’installer progressivement dans le domaine de la chirurgie. D’abord adoptée en Corée du Sud, cette pratique s’étend désormais à certains établissements aux États-Unis et au Canada. Si les patients accueillent favorablement cette technologie, elle suscite néanmoins des appréhensions chez les soignants, soulevant des questions éthiques et pratiques.

Du côté des soignants, les principales craintes concernent l’utilisation potentielle de ces enregistrements en cas de réclamations des patients, ainsi que le respect de l’intimité et de la discrétion qui doivent être accordées aux équipes du bloc opératoire. Du point de vue des patients, cette pratique leur permet de s’approprier leur propre histoire médicale, qui leur échappait souvent jusqu’à présent.

A travers cet article, retour sur les avantages, craintes et défis liés au développement de la Black Box au bloc opératoire.

Des origines historiques à la nouvelle ère de la chirurgie

La présence de témoins lors d’interventions chirurgicales ne date pas d’aujourd’hui. Dans le passé, les amphithéâtres étaient bondés d’étudiants qui observaient des chirurgies, et même certains proches pouvaient assister à des opérations. Cependant, avec la banalisation de la chirurgie et des exigences d’hygiène plus strictes, la présence de spectateurs a été limitée.

L’avènement de la scopie, qui permet de transmettre et d’enregistrer certaines procédures chirurgicales à des fins pédagogiques, représente déjà une première intrusion dans le bloc opératoire, mais elle se limite généralement à l’acte chirurgical lui-même. L’enregistrement vidéo et audio en continu, qui inclurait l’ensemble de la salle d’intervention avec les équipes soignantes et les paramètres vitaux du patient, constitue une étape supplémentaire dans cette évolution.

Avantages potentiels de la Black Box

Les partisans de la Black Box au bloc opératoire mettent en avant plusieurs avantages potentiels qui pourraient en découler :

  1. Documenter et améliorer les pratiques médicales : Les enregistrements vidéo et audio pourraient servir à documenter les interventions chirurgicales, fournissant ainsi des informations détaillées pour les analyses postopératoires. Ces informations pourraient être utilisées pour améliorer les pratiques médicales et réduire les erreurs.
  2. Protection des soignants : En cas de litige ou de plainte des patients, les enregistrements pourraient servir de preuves objectives pour les soignants, les protégeant ainsi d’éventuelles accusations injustifiées.
  3. Réduction des sinistres : L’utilisation de la Black Box pourrait contribuer à la réduction des sinistres en salle d’opération en identifiant et en corrigeant les erreurs potentielles.
  4. Formation médicale : Les enregistrements pourraient être utilisés à des fins éducatives, permettant aux étudiants en médecine et aux futurs chirurgiens de visualiser et d’apprendre des procédures complexes.
  5. Prise de décision et analyse : Les enregistrements pourraient également être utilisés pour la prise de décisions médicales, en permettant aux équipes médicales de revoir et d’analyser les interventions chirurgicales passées.
Témoignage du Pr Hervé Bouaziz, anesthésiste-réanimateur

Appréhensions des soignants et préoccupations éthiques

La Black Box suscite également des appréhensions chez les soignants, notamment en ce qui concerne l’utilisation potentielle des enregistrements en cas de réclamation des patients.

Les professionnels de la santé craignent que ces enregistrements soient utilisés contre eux, plutôt que dans l’intérêt du patient. Il est donc important de garantir que les enregistrements soient utilisés dans l’intérêt du patient et non pour accabler les soignants. Une législation appropriée devra être mise en place pour encadrer l’utilisation de ces données.

La préservation de la vie privée et de la confidentialité au bloc opératoire est une préoccupation majeure. Une des questions clés est de décider ce qui doit être restitué au patient dans ces enregistrements. En effet, les patients pourraient être confrontés à des éléments perturbants dans les enregistrements, tels que la vue du sang ou des conversations déconnectées de l’intervention. De plus, la présence d’apprenants en salle d’opération soulève également des questions sur la confidentialité et le consentement.

💡 Une autre question délicate est celle de la détention des enregistrements. Qui sera le détenteur des données ? Le patient lui-même, l’établissement médical ou une tierce partie ? Cette question soulève des préoccupations sur la protection des données médicales et la vie privée des patients.

Défis à relever pour la réussite de la Black Box au bloc opératoire

Pour que la mise en place de la Black Box soit réussie, plusieurs défis doivent être relevés :

  1. Consentement éclairé : Un consentement éclairé doit être obtenu à la fois du patient et des soignants pour l’enregistrement des interventions chirurgicales. Les patients doivent être informés de manière claire et compréhensible des implications de l’enregistrement.
  2. Uniformisation et flexibilité : Il est essentiel de trouver un équilibre entre l’uniformisation des pratiques pour garantir la cohérence des enregistrements et la flexibilité pour permettre l’adaptation aux besoins spécifiques de chaque situation.
  3. Durée de conservation des données : Une législation appropriée devra être mise en place pour déterminer la durée de conservation des enregistrements et les protocoles de stockage sécurisé.
  4. Formation des professionnels de santé : Les personnels médicaux devront être préparés à l’utilisation de la Black Box à travers des formations spécifiques. Des réunions et des séances d’échanges devront être organisées pour répondre à leurs questions et inquiétudes.

Vers plus de transparence au bloc ?

La Black Box au bloc opératoire représente une avancée technologique qui ouvre de nouvelles perspectives dans le domaine de la chirurgie. Les avantages potentiels sont nombreux, allant de l’amélioration des pratiques médicales à la protection des soignants et des patients. De plus, si le dossier médical est correctement renseigné, l’enregistrement vidéo et audio ne pourra pas être saisi par le juge, car celui-ci offre déjà une documentation complète de l’intervention. En outre, l’enregistrement pourra servir à protéger les soignants en cas de litige, en fournissant une preuve objective des événements survenus pendant l’opération.

Cependant, des questions éthiques et pratiques doivent être résolues pour garantir une utilisation équilibrée et respectueuse de cette technologie. Le respect de l’intimité, le consentement éclairé et la protection des données médicales sont des défis qui devront être surmontés pour sécuriser la mise en œuvre de la Black Box.

⚠️ Pour réussir l’implémentation de cette technologie, il sera essentiel de préparer les personnels en organisant des réunions pour répondre à leurs questions et inquiétudes. De plus, la rédaction d’une charte détaillant les conditions d’utilisation des données sera indispensable.

Si ces questions trouvent des réponses appropriées et si les professionnels de santé sont bien préparés à ce bouleversement technologique, la Black Box pourrait devenir une réalité au bloc opératoire et faire partie intégrante de la pratique quotidienne des soignants à l’avenir.

D’après un entretien avec le Pr. Hervé Bouaziz, Directeur du pôle anesthésie-réanimation de Branchet 


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