Dans le domaine médical, il est essentiel de déterminer les responsabilités lorsqu’un patient subit une complication suite à un examen médical. Dans un exemple concret, un patient, sur recommandation d’un cardiologue, passe un test d’effort. Sur les résultats de cet examen, le cardiologue demande une coronarographie. Malheureusement, le patient fait un accident vasculaire cérébral pendant l’examen. La famille du patient porte plainte contre la clinique, mais la clinique rejette la faute sur le cardiologue, arguant qu’il n’était pas justifié de demander une coronarographie. Les résultats de la coronarographie ont révélé des lésions non significatives nécessitant seulement un traitement médical.
Le rôle du cardiologue, de la clinique et du personnel médical
Dans cette situation, nous nous demandons qui est responsable et comment ?
Un expert a été mandaté pour défendre le cardiologue ayant initialement prescrit l’examen médical en question. Après avoir examiné les faits, l’expert a conclu que le cardiologue avait agi de manière appropriée. Les démarches entreprises par le cardiologue étaient justifiées, et le dossier médical était soigneusement tenu. Avant l’examen, le cardiologue avait pris le temps d’expliquer attentivement au patient la nature de la procédure, ainsi que les informations essentielles relatives à l’examen de coronographie. De plus, le cardiologue avait également rédigé une lettre détaillée adressée à la clinique concernée, en exposant clairement les motivations de sa demande, les résultats du test d’effort étant en faveur d’une forte probabilité de lésions coronaires (patient diabétique, hypertendu et dyslipidémique avec des douleurs, certes atypiques, mais avec un sous décalage de ST significatif au maximum de l’effort).
💡 Cette expertise médicale renforce la position du cardiologue et démontre que sa décision de demander l’examen était fondée sur des faits médicaux légitimes et était conforme aux normes et pratiques.
D’un autre côté, des lacunes ont été identifiées du côté de la clinique. En matière de surveillance du patient, un défaut a été constaté, le cardiologue de garde est venu voir tardivement le patient après son appel et aucune mesure thérapeutique n’a été prise. D’autre part, il n’y avait aucun dossier spécifique disponible concernant le suivi cardiologique du patient. Les seuls documents accessibles étaient les dossiers infirmiers.
Pour approfondir le cas, nous avons fait appel au service juridique de Branchet, qui nous a fourni des réponses aux questions de responsabilité.
Quelles sont les conséquences pour le cardiologue libéral qui a demandé l’examen ?
En cas de sinistre, une mission d’expertise sera diligentée par la CCI (Commission de conciliation et d’indemnisation) ou la juridiction en charge du litige afin de déterminer si une faute a été commise par le cardiologue. Dans l‘affirmative, la responsabilité du praticien pourra être retenue et une indemnisation devra le cas échéant être versée au patient par l’assureur du cardiologue libéral. En l’espèce, le cas évoqué semble admettre que la prise en charge du patient par le cardiologue libéral est conforme et qu’aucune faute n’a été commise (adéquation de la décision aux fait médicaux, consentement, information au patient correctement délivrée, transmissions à la Clinique réalisées de manière adéquate).
Nous pouvons donc légitimement penser que la responsabilité du praticien prescripteur ne sera pas retenue puisque la prescription de l’examen est en conformité avec les règles de l’art.
De plus, la tenue du dossier médical du patient par le cardiologue libéral est correcte et les explications données sont également conformes aux règles de l’art.
Quelle est la responsabilité pour la clinique ?
En l’espèce, le défaut de surveillance du patient par la Clinique sera manifestement de nature à justifier la mise en cause de celle-ci. En effet, la désorganisation du service à l’origine du défaut de surveillance constituera probablement une faute aux yeux des experts.
Par ailleurs, l’absence ou la mauvaise tenue d’un dossier médical sera également susceptible de caractériser une faute. En effet, l’article Article R1112-2 du Code de la santé publique rappelle l’obligation de constituer un dossier médical et définit les éléments constitutifs de ce dernier : « Un dossier médical est constitué pour chaque patient hospitalisé dans un établissement de santé public ou privé. Ce dossier contient au moins les éléments suivants, ainsi classés :
1° Les informations formalisées recueillies lors des consultations externes dispensées dans l’établissement, lors de l’accueil au service des urgences ou au moment de l’admission et au cours du séjour hospitalier
[…]
2° Les informations formalisées établies à la fin du séjour.
[…]
3° Les informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant de tels tiers. »
Aussi, en cas de perte du dossier médical, la Cour de cassation a admis qu’un renversement de la charge de la preuve pouvait être opéré. En d’autres termes, ce n’est plus au patient de prouver la faute de l’établissement mais à la Clinique de prouver l’absence de faute. Cette perte est constitutive d’« un défaut d’organisation et de fonctionnement, qui place le patient ou ses ayants droit dans l’impossibilité d’accéder aux informations de santé le concernant et d’établir, le cas échéant, l’existence d’une faute dans la prise en charge ».
Dès lors, « la perte du dossier médical conduit à inverser la charge de la preuve et à imposer à l’établissement de santé de démontrer que les soins prodigués ont été appropriés » (C. Cass, 1ère Ch. Civ.26 septembre 2018 n°17-20143).
⚖️ En l’espèce, le défaut de surveillance combiné à la mauvaise tenue du dossier patient par le personnel de la Clinique semble donc indiquer une mise en cause probable de la responsabilité de la Clinique.
Qu’arrive-t-il à la personne chargée de réaliser l’examen ?
Cela pourrait déterminer la mise en cause de la responsabilité de Clinique ou celle de la personne chargée de réaliser l’examen.
En effet, si la personne en charge de la réalisation de l’examen n’a pas la compétence pour le faire et/ou si une faute a été commise par cette personne, la faute de la Clinique pourrait être caractérisée si la personne est salariée par l’établissement.
En revanche, s’il s’agit d’un praticien libéral, ce dernier pourrait voir sa responsabilité « propre » engagée en cas de faute.
Quelles sont les conséquences pour le médecin de garde…
…qui était responsable du suivi du patient pendant l’examen ?
Idem que pour le cardiologue, il s’agira d’une part de déterminer si une faute a été commise et d’autre part si le praticien intervenait à titre libéral ou salarié. Notons que la faute du praticien peut être retenue notamment en cas de délégation de tâche lors de l’examen. En effet, les experts pourront déterminer qu’une faute a été commise si l’acte a été délégué à la mauvaise personne ou si l’encadrement du personnel par le praticien est jugé insuffisant.
D’après un entretien du Dr Marcadet, avec la contribution du service juridique de Branchet
Publié le 15 octobre 2023 – Mise à jour le 10 janvier 2023