Aujourd’hui en France, plus de 8 millions de personnes souffrent d’obésité, soit 17% des adultes et 4% des enfants et adolescents. Le nombre d’interventions chirurgicales bariatriques a fortement augmenté ces dernières années. Destinée aux patients sujets à une obésité sévère ou un syndrome métabolique (diabète de type 2), la chirurgie bariatrique comporte un risque de complications plutôt faible, mais celles-ci peuvent être graves, notamment pour les complications tardives. Elles surviennent à la suite de l’opération et peuvent nécessiter une réintervention dans les cas graves.
Retour sur les différentes techniques chirurgicales pratiquées en chirurgie bariatrique et leurs complications associées, ainsi que sur les enjeux de cette spécialité en termes d’assurabilité.
Les différentes interventions en chirurgie bariatrique : quels sont les risques ?
Aujourd’hui, les trois principales interventions proposées pour traiter l’obésité pathologique sont : la mise en place d’un anneau gastrique (gastroplastie par anneau ajustable), le court-circuit gastro intestinal (gastric bypass), et la confection d’une gastrectomie longitudinale (sleeve gastrectomy), qui est la technique la plus répandue.
Gastroplastie par anneau ajustable
L’anneau gastrique ajustable, utilisé pour diminuer le volume de l’estomac et ralentir le passage des aliments, sans perturber la digestion des aliments, est une technique largement répandue et qui offre de bons résultats. Le taux de complications précoces est rare et évalué à 0.2% pour les perforations digestives, et 0.3% pour les hémorragies.
Parmi les complications post-opératoires, il arrive que le boitier ou l’anneau se déplace (glissement, migration de l’anneau à travers la paroi gastrique, retournement du boitier…). Ces complications, plutôt rares, surviennent dans 2 à 4% des cas.
La complication la plus rare (1 à 2%), qui est également la plus grave, est l’infection de l’anneau, souvent en lien avec une migration intragastrique. En cas d’infection de l’anneau, celui-ci devra être retiré, tout comme le boitier et le tube les reliant.
Gastrectomie longitudinale (Sleeve gastrectomy)
La gastrectomie longitudinale (dite sleeve) est l’intervention la plus pratiquée. En effet, en retirant les deux tiers de l’estomac, ainsi que la partie sécrétant la ghréline, le patient obtient une sensation de satiété plus rapidement et limite ainsi sa consommation d’aliments.
C’est une intervention qui comporte des risques spécifiques et qui nécessite une surveillance adaptée. Dans 1% à 3% des cas, les complications comme des carences nutritionnelles surviennent les premières semaines après la chirurgie.
Des complications de type hémorragiques, infectieuses ou thromboemboliques peuvent survenir, comme lors de nombreuses chirurgies. Mais la complication principale liée à la sleeve est l’apparition d’une fistule, due à une mauvaise cicatrisation de la zone d’agrafage.
La fistule est une complication grave, souvent invisible sur les radiographies ou le scanner, qui peut provoquer des abcès intra-abdominaux, une péritonite ou encore un choc septique, si elle n’est pas traitée précocement. Ce type de complication survient dans 1% à 4% des cas, avec un taux de mortalité entre 0.5 et 1 pour 1000.
Le gastric bypass (court-circuit gastrique)
Le gastric bypass, réalisé par cœlioscopie, réduit la capacité de l’estomac par la création d’un court-circuit, permettant de réduire la quantité d’aliments intégrés ainsi que leur assimilation.
Au cours de l’opération, des complications comme la blessure d’autres organes peuvent survenir. Cependant elles peuvent être traitées simplement si elles sont reconnues pendant l’opération, et évitant ainsi les risques d’infection et une réintervention.
Une complication grave peut survenir au décours de l’intervention. C’est la fistule anastomotique. Due à un défaut de cicatrisation des sutures, elle entraine une infection et nécessite une réintervention pouvant être lourde (séjour en réanimation notamment). Le gastric bypass nécessite donc une surveillance rapprochée durant les premiers jours qui suivent l’opération, car c’est à ce moment que les complications peuvent survenir (dans 1% à 3% des cas).
Le taux de réintervention pour le bypass est de 2,5%, avec une mortalité de 1 pour 1000. Sur le long terme on peut observer quelques complications digestives, comme des vomissements, diarrhées ou carences qu’il faut surveiller avec attention. Plus rarement peut être observée une hernie interne.
👉 Découvrez dès maintenant notre podcast réalisé avec le Pr Didier Mutter, chirurgien digestif et Me Georges Lacoeuilhe, avocat spécialiste en droit de la santé, sur le défaut de traçabilité lors de la pose d’un bypass.
Comment éviter les complications en chirurgie bariatrique ?
L’importance du suivi préopératoire pour diminuer le risque de complications
La chirurgie bariatrique peut entraîner des complications et des difficultés au quotidien pour le patient, et ce même un certain temps après l’intervention (problèmes liés à l’anneau, carences nutritionnelles, détresse émotionnelle liée à la modification du corps). C’est pourquoi il est important de fournir au patient une information détaillée et accompagnement psychologique, et ce bien avant la date de l’intervention. Afin de garantir l’efficacité de l’intervention, le patient devra être informé de toutes les phases de la prise en charge et des différentes conditions de celle-ci, telles que :
- Les différentes techniques chirurgicales existantes : en quoi elles consistent, leurs bénéfices, risques et inconvénients respectifs, ainsi que leurs limites
- La modification impérative des habitudes alimentaires et du mode de vie, avant et après l’intervention
- L’importance d’un suivi médico-chirurgical à vie, et les conséquences, potentiellement graves, d’une absence de suivi
- La possibilité de recours à la chirurgie réparatrice après la chirurgie bariatrique
La phase préparatoire demande un véritable investissement de la part du praticien, et est indispensable pour le succès de l’opération. En tant que médecin, vous devrez impérativement vous assurer de la bonne compréhension de l’information par votre patient. Celui-ci devra rencontrer de nombreux spécialistes tout au long du processus (chirurgien, nutritionniste, diététicien, psychologue…) qui l’accompagneront et lui prescriront les différents examens nécessaires à la création du bilan complet de l’obésité (état de santé général, bilan physique et psychologique).
📑 Vous pouvez télécharger nos fiches d’informations préopératoires en chirurgie bariatrique, rédigées avec l’aide de nos médecins conseils, sur notre site Branchet Solutions :
De plus, afin d’obtenir des résultats satisfaisants et durables dans le temps, le patient devra avoir en tête que la prise en charge n’inclut pas uniquement l’opération chirurgicale, mais bien un processus complet en 4 temps :
- Une prise en charge nutritionnelle d’abord en préopératoire mais aussi en post-opératoire
- Une évaluation et un suivi psychologique préopératoire, et parfois post-opératoire
- L’intervention chirurgicale
- Une activité physique régulière et soutenue en fonction des possibilités physiques
Le suivi post-opératoire
Le suivi post-opératoire sera lui aussi important et nécessitera un suivi alimentaire, diététique, psychologique, et endoscopique (fortement recommandé). La reprise d’un suivi par un endocrinologue nutritionniste devra également se faire à partir de 6 mois.
Sur le long terme, le patient devra effectuer une gastroscopie (obligatoire) au bout de 5 ans puis 10 ans après l’opération. Il est néanmoins recommandé au patient d’effectuer sa première gastroscopie au bout de 1 an et 3 ans.
Chirurgie bariatrique et assurance… sous compromis
La chirurgie bariatrique est considérée aujourd’hui comme une spécialité à ‘haut risque’ pour les assureurs, difficile à assurer. En effet les chirurgiens viscéraux pratiquant la chirurgie bariatrique sont exposés à une fréquence de mise en cause plus élevée que d’autres spécialités en lien avec cette pratique, et même plus élevée que les chirurgiens pratiquant uniquement des actes de chirurgie viscérale (de l’ordre de 40%).
On constate une mise en cause tous les 41 mois en chirurgie viscérale contre une tous les 34 mois en chirurgie bariatrique, ainsi qu’un taux de responsabilité retenue pour le chirurgien bariatrique supérieur à la moyenne toutes spécialités confondues (source : cartographie des risques Branchet 2023)
⚠️ En cas de sinistre responsable, le coût d’un dossier bariatrique est de 90% supérieur au coût moyen dans les autres spécialités (60 000€ en moyenne contre 115 000€ en chirurgie bariatrique)
Parallèlement, nous avons pu noter des écarts d’exposition au risque qui interpellent : sur les cinq dernières années, la totalité des mises en cause était concentrée chez 46% de nos assurés.
L’objectif notamment pour Branchet, qui assure exclusivement des praticiens du bloc opératoire et des médecins spécialistes, est de comprendre le risque afin de pouvoir l’évaluer, le prévenir, et maintenir une assurabilité dans le temps de toutes les spécialités.
Pour les chirurgiens bariatriques, préserver la capacité assurantielle de leur spécialité à des conditions maîtrisées est également indispensable.
Chez Branchet nous accordons donc une attention toute particulière à la pratique de la chirurgie bariatrique. En effet la qualité de la pratique chirurgicale est évaluée par nos médecins conseils au décours de chaque mise en cause et expertise, selon une méthodologie proche de celle de la grille ALARM. Ceci permet d’identifier les points d’améliorations nécessaires afin d’éviter des mises en cause ou d’optimiser la défense en cas d’expertise. En chirurgie bariatrique, ces points améliorables portent sur les thèmes suivants :
- Les qualités comportementales des praticiens
- La réalisation technique des actes mis en cause
- La tenue du dossier médical
- Les retards de prise en charge
- La gestion des complications
- La permanence des soins dans l’établissement
➡️ Dans ce contexte, assureur et chirurgiens bariatriques partagent le même objectif de réduction des risques identifiés afin d’une part d’améliorer la sécurité et la qualité des soins donc le service rendu aux patients, mais également de contenir l’inflation du coût de couverture de ces risques.
Il est donc important d’avoir une bonne compréhension des risques pour les maitriser dès la souscription et tout au long de la vie du contrat. En chirurgie bariatrique, un entretien préalable à la souscription est systématiquement organisé avec le médecin référent mandaté par Branchet. C’est l’occasion de faire le point sur les pratiques et l’environnement de travail et s’assurer que les conditions de l’activité envisagée sont propices à un exercice serein.
Ensuite et dès l’activation de la couverture assurantielle, les praticiens bénéficient d’un panel de services permettant un contact rapide et personnalisé à un juriste ou un confrère, même en cas d’urgence. Ceci inclut la promotion d’innovations technologiques et informatiques (comme notre outil JeConsens pour la validation électronique de l’information au patient). Des formations de sensibilisation à ces risques généraux ou propres à la chirurgie bariatrique sont également proposées et régulièrement mises à jour.
En adhérant à ces propositions, le chirurgien bariatrique « n’achète » pas un produit d’assurance mais s’engage dans un processus ou les deux acteurs, chirurgien et assureur, sont à même d’entretenir un partenariat qui peut apparaître comme la validation d’un compromis réciproque.
➡️ Retrouvez plus d’informations sur cette thématique en téléchargeant notre dossier « Chirurgie bariatrique et assurance… sous compromis », présenté par le Pr Mutter, directeur de pôle en chirurgie viscérale et bariatrique, et Mathilde Villet, Responsable Gestion des Risques chez Branchet, à l’occasion du dernier congrès SOFFCOMM :
Publié le 23 décembre 2022 – Mise à jour le 13 juin 2024