Dans la famille des internes en médecine, il y a deux branches : les anxieux qui ont peur d’être mis en cause par un patient à la moindre erreur et les détendus, loin de tout ça, qui pensent pouvoir sortir leur brassard d’immunité à toute épreuve. C’est sans oublier la réforme du 3e cycle et l’apparition du nouveau statut de docteur junior qui change un peu la donne en matière de responsabilité. Alors qu’en est-il des droits et devoirs des internes et que se passe-t-il en cas de plainte ? Réponses dans cet article.
Le statut de l’interne
Tout comme le praticien hospitalier, l’interne a le statut d’agent public et c’est l’hôpital auquel il est rattaché qui lui assure sa protection. Cela signifie qu’en cas de plainte d’un patient, c’est l’hôpital qui va assurer sa défense et payer les éventuels dommages et intérêts. En ce qui concerne ses fonctions, l’article R. 6153-3 du Code de la santé publique dit que : « L’interne en médecine exerce des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins, par délégation et sous la responsabilité du praticien dont il relève ».
Mais que signifie « par délégation » ?
En fait, l’interne peut se voir confier des actes ne présentant pas de difficultés sérieuses, donc une intervention d’une gravité particulière ne peut pas faire l’objet d’une délégation.
Le praticien responsable de l’interne doit évaluer ses capacités et s’être « assuré au préalable (…) que l’autorisation ainsi donnée à ses collaborateurs n’est susceptible de ne porter aucune atteinte aux garanties médicales que les malades sont en droit d’attendre (…) ».(arrêt de principe du Conseil d’Etat, 18 décembre 1953, Sieur Fresnais, req. n°9636)..
Le praticien senior qui encadre l’interne et lui délègue des tâches n’a pas l’obligation d’être à ses côtés physiquement au moment de l’acte. Cependant, le médecin senior doit toujours être joignable et doit pouvoir se rendre sur place en cas de problème.
⚠️ En cas de situation d’urgence, la délégation saute et si l’interne est sollicité pour une intervention qui sort de son champ de compétences, ce dernier doit tout mettre en œuvre pour joindre un médecin senior ou le chef de service. Dans le cas où ni l’un ni l’autre ne sont disponibles, l’interne doit intervenir sous peine d’être poursuivi pénalement pour non-assistance à personne en danger.
Quid de la responsabilité en cas de plainte ?
Comme expliqué plus haut, tout médecin qui exerce sous le statut de praticien hospitalier ou de salarié est placé sous la responsabilité de l’établissement de santé dans lequel il exerce. Ainsi, en cas de plainte, le médecin senior hospitalier même s’il est responsable de l’interne bénéficie d’une immunité judiciaire. L’interne en formation bénéficie également de cette immunité judiciaire. C’est donc l’établissement de santé qui sera responsable devant les juridictions.
Exception faite pour ce que l’on appelle la faute personnelle ou faute détachable du service. Même si c’est rarissime, votre responsabilité peut être engagée. Il s’agit d’une faute d’une gravité exceptionnelle qui ne peut être raisonnablement rattachée au fonctionnement du service (acte qui ressort de la vie privée de l’agent, faute inadmissible sur le plan déontologique, faute intentionnelle avec volonté de nuire, faute dont l’objet est la recherche d’un intérêt personnel).
👉 Exemple : être appelé pour une intervention et ne pas se présenter, être en état d’ébriété etc. Vous l’aurez compris, dans ce cas-là, l’immunité ne fonctionne plus !
Sur le plan pénal, c’est comme pour tout le monde, chaque personne demeure personnellement responsable de ses actes : ainsi, l’interne pourra voir sa responsabilité pénale engagée. Le médecin senior qui l’encadre devra rendre des comptes et peut aussi voir sa responsabilité pénale engagée s’il est démontré qu’il a mal évalué les capacités de l’interne et lui a demandé d’intervenir sur des actes où il n’était pas formé.
Une fois qu’on a dit ça… Eh bien, on n’a pas tout dit parce qu’avec la récente réforme du 3e cycle est née une nouvelle espèce : le docteur junior dont le statut est un peu plus ambigu.
L’arrivée du docteur Junior
La petite nuance qui n’en est pas des moindres c’est que si le docteur junior exerce aussi ses fonctions par délégation, il le fait sous le régime de l’autonomie supervisée, et sous la responsabilité du praticien dont il relève. L’autonomie supervisée est définie dans le Code de la santé publique comme suit : « Le docteur junior exerce des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins (…) avec pour objectif de parvenir progressivement à une pratique professionnelle autonome. Il suit sa formation sous le régime de l’autonomie supervisée ». (Article R6153-1-2 du code de la santé publique).
Le périmètre de cette autonomie supervisée est délimité au cours d’un entretien entre le docteur junior, le coordinateur local de la spécialité et le praticien responsable du lieu de stage. Ensemble, ils définissent la nature, le nombre et les conditions de réalisation des actes accomplis en autonomie supervisée. La nature des actes est progressivement diversifiée jusqu’à recouvrir l’intégralité des mises en situation.
Tous les actes qui ne rentrent pas dans l’autonomie supervisée sont réalisés dans les conditions en vigueur pour les internes vues dans le paragraphe précédent.
💡 La supervision est assurée par un praticien auquel le docteur junior peut avoir recours à tout moment de son exercice, conformément aux tableaux de service.
Et la responsabilité ?
L’article ne donne pas de précision et son interprétation laisse à penser que le docteur junior qui est en fait un interne « senior » est logé à la même enseigne que l’interne.
Mais les éventuels contentieux pourraient faire jurisprudence notamment sur la question suivante : « Le praticien dont relève » le docteur junior est-il le praticien responsable du lieu du stage, le coordinateur local de la spécialité ou le médecin senior appelé par le docteur junior et présent au moment où l’acte litigieux a eu lieu ?
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Publié le 9 novembre 2022