Notre dernière Cartographie des risques opératoires révèle que 13% des dossiers de sinistres dans lesquels la responsabilité du praticien est retenue, présentent un défaut d’information et dans 50% de ces cas, seul le défaut d’information est retenu (pas de faute technique). Sans être alarmistes, ne soyons pas attentistes ! Pour vous protéger et être dans les clous, voici notre foire aux questions sur le devoir d’information au patient.
1. A quand remonte l’obligation du médecin d’informer son patient ?
L’obligation d’informer son patient ne date pas d’hier. C’est une relation communément acquise dans le droit général qui existe dans la plupart des relations contractuelles.
En clair : le vendeur d’un objet, le fournisseur d’une prestation informe son client de ce qu’il lui vend (avantages, inconvénients). Ce principe de base a été étendu à la médecine depuis très longtemps.
Mais en 1997, une jurisprudence renverse la charge de la preuve. Avant cette date le patient devait prouver en cas de litige qu’il n’avait pas été bien informé… C’était mission impossible ! En effet, comment prouver que l’on n’a pas été informé ? Il y avait donc très peu de contentieux sur l’information. La doctrine qualifia cette preuve de probatio diabolica ou la « preuve du diable ». Il est alors apparu cohérent pour les juges de faire peser la charge de la preuve sur le praticien. Conclusion : depuis 1997 le médecin doit prouver qu’il a informé son patient lorsque ce grief (le défaut d’information) est exprimé contre lui.
2. Sur quoi l’obligation d’information porte-t-elle ?
La loi Kouchner du 4 mars 2002 consacre ce devoir du médecin comme un droit du patient à être informé sur son état de santé à travers l’article L.1111-2 du Code de la santé publique :
« Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».
3. Y a-t-il des différences selon les spécialités ?
Le devoir d’information tel que décrit dans l’article L.1111-2 du Code de la santé publique concerne toutes les spécialités. Cependant cette obligation est accrue en chirurgie esthétique. En effet, selon l’article L. 6321-1 du code de santé publique, la chirurgie esthétique concerne « des actes chirurgicaux tendant à modifier l’apparence corporelle d’une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice ». Cette définition d’une chirurgie dite « de confort » non obligatoire a fait l’objet d’un décret (n°2015-1171) publié le 22 septembre 2015. Ainsi le patient doit être informé :
- Des conditions de l’intervention ;
- Des risques liés à l’acte chirurgical et des éventuelles complications. Sur ce point, la Cour de cassation a admis très tôt que le patient doit être informé des risques exceptionnels de l’acte (civ. 1, 17 nov. 1969, n° 68-12.225).
- Sur l’implant lui-même. Cette information se traduit par la remise à la personne concernée d’un document reprenant ces informations. Le décret a complété les informations qui doivent figurer dans la carte d’implant remise au patient à l’issue des soins faisant intervenir un dispositif médical figurant sur la liste prévue à l’article R. 5212-36 du code de la santé publique (durée de vie de l’implant, suivi médical particulier, effets indésirables).
Concernant les délais de réflexion à consentir à un acte de cette nature, comme le chirurgien remet un devis au patient, il doit lui laisser un délai de réflexion de 15 jours minimum.
4. L’anesthésiste a -t-il le même devoir d’information au patient ?
L’anesthésiste est soumis au même devoir d’information. Au moment de la première consultation d’anesthésie, le praticien informe son patient sur le type d’anesthésie proposée et les risques associés et lui remet les documents d’information. L’anesthésiste doit respecter un délai légal 48 heures minimum avant l’acte pour faire cette consultation. Dans un second temps, il y a la visite préanesthésique qui a lieu la veille ou le jour même de l’intervention. C’est à ce moment-là que le patient remet son consentement éclairé daté et signé pour la partie anesthésie.
5. Sous quels délais dois-je informer mon patient ?
Il n’y a pas de délai légal mais dans le cadre d’une chirurgie programmée qui ne nécessite pas une intervention rapide, l’information doit être donnée en laissant un délai de réflexion au patient. Plus il y a de délai entre la première consultation et l’acte chirurgical mieux c’est. Cela permet au patient par exemple de solliciter un 2e avis et/ou de revoir une 2e fois le chirurgien qui le suit.
Enfin, aujourd’hui l’information au patient est quasi permanente donc il faut aussi informer le patient en postopératoire surtout s’il y a eu des complications.
6. Si le patient arrive le jour de l’intervention sans son consentement ou qu’il n’est pas signé, on opère quand même ?
Non. Aucun acte ne doit être réalisé que cela soit en chirurgie ou en anesthésie sans la remise du consentement éclairé daté et signé.
7. Y a-t-il des exceptions ?
Actuellement, il n’y a pas d’obligation d’information dans le cadre de l’urgence, c’est-à-dire un acte dans les heures qui viennent. Toutefois, la semi-urgence, c’est-à-dire un acte du jour pour le lendemain nécessite une information.
8. Quelle est la différence entre la fiche information et le consentement ?
Le consentement éclairé comme son nom l’indique est un document signé par le patient dans lequel le patient dit qu’il a été informé des risques et qu’il consent au geste qui va être pratiqué. En annexe à ce document, il y a la fiche d’information qui est un document spécifique à l’acte qui va être effectué.
9. Est-ce qu’une information au patient orale suffit ?
La loi Kouchner ne précise pas comment cette information doit être délivrée au patient. La première consultation, puis la 2e permettent d’échanger avec son patient, d’expliquer à l’oral ce que le patient doit savoir mais comme chacun sait « les paroles s’envolent, les écrits restent ». Par conséquent, il faut remettre les documents d’information et de consentement et tracer dans le dossier que cela a été fait.
10. Est-ce-que je dois conserver la preuve que j’ai informé mon patient ?
Oui. La charge de la preuve revient au médecin. Pas de document, pas de preuve. Ainsi, il faut bien tracer la date de remise des documents. En pratique, le médecin doit tracer dans le dossier du patient qu’il a bien remis les documents d’informations lors d’une première consultation (la fiche d’information et le consentement éclairé). Cela prouve que le patient a eu le temps pour réfléchir et donner son consentement éclairé.
Ces documents sont ensuite remis par le patient signés et datés le jour de l’intervention. Ne vous y trompez pas, ce n’est pas à la clinique de collecter et de garder les documents de consentement signés. Si la clinique en garde une copie, le médecin qu’il soit chirurgien ou anesthésiste doit s’astreindre à récupérer lui-même ou son secrétariat ce document et les archiver lui-même.
11. Qu’est-ce-que le défaut d’information ?
Le grief du défaut d’information peut être invoqué à l’encontre d’un médecin même en l’absence de faute dans la réalisation de l’acte médical. Ainsi, le défaut d’information peut être retenu en cas d’aléa thérapeutique. En effet, le médecin pourra être condamné à indemniser le patient s’il a manqué à son obligation d’information à propos des risques qui se sont réalisés, même si ce dernier n’a commis aucune faute dans l’exercice de son art.
Ainsi, le grief découle du manquement du médecin à son obligation d’information envers son patient.
12. Qu’est-ce-que je risque si je suis mis en cause pour défaut d’information ?
Les conséquences peuvent être désastreuses ! Il peut y avoir eu une complication non fautive mais qui aboutit à un préjudice. Dans ce contexte si le patient dit qu’il y a un défaut d’information, il peut y avoir une condamnation financière parfois très lourde pour le médecin. Le médecin risque d’être condamné sur le plan civil mais il risque aussi une sanction ordinale puisque le défaut d’information du patient constitue un manquement déontologique.
13. Où puis-je trouve des fiches d’informations ?
Fondapro et ASSPRO, partenaires de Branchet ont réédité les fiches d’information par acte et par spécialité ainsi qu’un consentement éclairé. Ces documents sont disponibles sur branchetsolutions.fr
14. Y a-t-il des spécificités pour un patient mineur ou majeur protégé ?
Le mineur est par essence protégé et bénéficie de cette protection par le biais de ses parents qui ont l’autorité parentale définie par l’article 372 du code civil : « les pères et mères exercent en commun (s) l’autorité parentale ».
L’article 372-2 du code civil rajoute : « à l’égard des tiers de bonne foi chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale ». Autrement dit à l’égard des tiers de bonne foi, par exemple les médecins, quand il s’agit d’un acte usuel, l’un des deux parents suffit.
Tout réside alors dans la définition de l’acte usuel et le texte de loi ne le précise pas. On peut supposer que l’on sort de l’acte usuel dès que l’on passe dans le chirurgical. S’il faut aller se faire soigner les dents ou examiner l’oreille, on n’a pas besoin d’avoir les deux parents.
Bien sûr en cas d’urgence vitale, le médecin peut intervenir sans le consentement de l’un des parents voire dans certains cas si le mineur se présente aux urgences seul sans le consentement des deux parents.
Concernant les majeurs protégés, il n’y a pas d’annulation de l’obligation d’information. On va lui expliquer en quoi consiste l’acte et si le majeur protégé n’est pas en mesure de donner son consentement, à ce moment-là le recueil du consentement se fera avec le tuteur légal.