La réduction des tarifs de remboursement en radiologie, initiée par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) dans le cadre de ses efforts d’économies, a exacerbé les difficultés rencontrées par les radiologues, notamment en termes de réduction des moyens disponibles tout en devant assurer la qualité de la prise en charge des patients. Malgré une demande croissante due au vieillissement de la population et à l’augmentation des maladies chroniques, cette baisse de financement a un impact direct et significatif sur la qualité et l’accessibilité des examens radiologiques pour les patients.
L’origine du déremboursement
Depuis quelques années, la tendance est à la baisse des tarifs de remboursement en radiologie des scanners, des IRM et des TEP, ce qui a engendré une perte cumulative de 60 millions d’euros de chiffres d’affaires pour les cabinets de radiologie. En 2017, lors des négociations tarifaires, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) a demandé des économies supplémentaires. Après des mois de pourparlers infructueux avec les syndicats, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) a pris la décision unilatérale d’imposer de nouveaux tarifs de remboursement. En effet, l’UNCAM a invoqué l’article 99 pour modifier le forfait technique en imagerie lourde [1].
Cette décision faisait suite à une décennie d’efforts ayant déjà généré 900 millions d’économie [2]. En effet, cette réduction des tarifs est venue s’ajouter à une précédente révision à la baisse en 2008[3]. Cette demande est intervenue malgré une tendance à la hausse de la demande en imagerie médicale, notamment en raison du vieillissement de la population et de l’augmentation des maladies chroniques [4].
Déremboursement des équipements interventionnels en radiologie
Pour poursuivre dans cette même voie, la CNAM (Caisse Nationale d’Assurance Maladie) a récemment instauré le déremboursement de certains dispositifs médicaux en radiologie interventionnelle, pour réaliser des économies. Cela signifie qu’elle ne couvre plus certains domaines tel que la neuroradiologie. Ainsi, les cathéters de neuro-thrombectomie et les coils utilisés pour obstruer les anévrismes ne sont plus remboursés [5]. Bien que ces interventions restent rares en milieu hospitalier et très peu pratiquées en libéral, cette décision de déremboursement pèse lourdement sur les budgets des hôpitaux qui peinent à le supporter.
Les radiologues libéraux craignent qu’une tendance vers le déremboursement de matériel s’installe à l’avenir dans les centres de radiologie libérale et qu’ils devront assumer la charge financière de ces équipements. Dans ces conditions, de nombreux cabinets pourraient être amenés à envisager d’arrêter leur activité en raison du manque de ressources et de soutenabilité financière.
Les conséquences pour les patients : Délais d’attente prolongés et impact sur la qualité des examens radiologiques
L’impact sur les patients s’avère manifeste, se traduisant par une prolongation des délais d’attente pour accéder aux examens radiologiques, particulièrement pour ceux nécessitant une IRM. Cette situation, où le nombre d’équipements demeure relativement stable tandis que la demande croît, engendre une pression considérable sur les ressources disponibles et à cela, s’ajoute aussi à une réduction du maillage territorial en radiologie. Dans certaines régions, cette attente peut désormais s’étendre jusqu’à 70 jours, comparativement à une moyenne antérieure avoisinant les 30 jours [6]. Ainsi, la prolongation des délais de rendez-vous mène à des retards de diagnostic, ce qui représente une véritable perte de chance pour le patient.
En outre, la diminution des financements et des remboursements par la CNAM exerce un impact direct sur la qualité des équipements radiologiques disponibles. Ces révisions tarifaires ont directement affecté la capacité des cabinets d’imagerie à investir dans de nouvelles technologies et à maintenir les équipements à un haut niveau de performance, compromettant ainsi les progrès technologiques et la précision des diagnostics prodigués aux patients.
Cette baisse de la rémunération incite également certains cabinets financiarisés à réduire, voire à supprimer certains examens, tels que les mammographies, jugées peu rentables, au profit d’une augmentation des scanners et des IRM. Ainsi le patient se retrouve également pénalisé pour le dépistage du cancer du sein et, bientôt pour le cancer du poumon.
Cette tendance soulève ainsi l’alarme de la Fédération Nationale des Médecins Radiologues (FNMR) quant aux conséquences préjudiciables de cette dévalorisation des actes, qui ne vont que s’aggraver. Ainsi, selon le Pr Masson, « la baisse du remboursement des actes médicaux en radiologie constitue alors un véritable défi pour le système de santé et compromet les chances de diagnostic optimal pour les patients ».
Il est impératif que des mesures soient prises pour assurer la pérennité de la profession et de la spécialité et garantir un accès rapide et efficace aux examens pour les patients. Sans une revue des politiques de financement et de remboursement, de nombreux cabinets de radiologie pourraient être amenés à envisager d’arrêter leur activité.
D’après un entretien avec le Dr Masson, radiologue et président de la Fédération Nationale des Médecins Radiologues (FNMR)
Sources :
[1] La quotidienne de Docteur Imago, Grand angle : entretien Je n’accepterai pas de nouvelles économies sur le dos de la radiologie 2023
[2] Pour les radiologues, la baisse des tarifs va faire des dégâts-Le figaro- 2017
[3] La quotidienne de Docteur Imago Interview de Jean-Philippe Masson – 18/06.2020
[5] La quotidienne du Docteur Imago – L’état met fin au remboursement des cathéters pour le traitement des AVC 2023
[6] L’imagerie médicale – Un atout pour la santé, un atout pour l’économie – FNMR 2023