La traçabilité des actes médicaux et des soins prescrits est indispensable pour assurer la bonne continuité des soins au patient. Cette traçabilité des soins participe également à une bonne communication entre les différents acteurs qui interviennent auprès du patient et permet de mieux suivre son parcours hospitalier. De plus, en cas de mise en cause, une bonne traçabilité des soins dans le dossier médical du patient permettra d’apporter la preuve des soins ayant été prodigués au patient.
Découvrez notre cas juridique impliquant un chirurgien orthopédique ayant partiellement mentionné, dans le dossier médical, les actes médicaux réalisés, et dont la responsabilité a été retenue.
Avant l’opération
Une patiente présentait depuis l’enfance une scoliose qui devait atteindre plus de 70°, associée à une cyphose de 50°, à l’origine d’une gêne allant en s’accentuant et de phénomènes douloureux, qui l’amenaient à consulter un chirurgien orthopédiste, spécialisé dans le traitement des scolioses.
Un traitement orthopédique d’abord proposé avait été refusé par la patiente, en demande d’un traitement pérenne. Le chirurgien lui expliquait alors les modalités d’une intervention chirurgicale, prévue en deux temps opératoires séparés de quinze jours, le premier par voie d’abord antérieure et le second par voie postérieure. Le risque de paralysie était annoncé, avec un tempérament compte tenu de sa rareté.
Complications peropératoires
Après une hospitalisation d’une semaine dans une clinique de rééducation fonctionnelle pour assouplissement du rachis dorsal, la première partie du geste chirurgical était réalisée dans des conditions difficiles, compte tenu de la découverte peropératoire d’une soudure quasi complète de la concavité de la courbure imposant une décortication.
Au décours du geste, le chirurgien procédait à un testing neurologique qui ne révélait pas d’anomalie. Ce n’est qu’en salle de soins post interventionnels qu’une parésie distale du membre inférieur gauche était constatée et quarante-huit heures plus tard celle du membre inférieur droit. Aucune des deux ne devait récupérer.
Absence de données tracées
Une première expertise était ordonnée en référé, laquelle devait conclure à une indication infondée en l’absence de données tracées relativement à l’évolutivité de la scoliose et à l’intolérance aux douleurs de la patiente.
Un manquement du chirurgien à son obligation de moyens en matière de diagnostic post opératoire sera également retenu par les experts. Au fond, une mesure de contre-expertise sera confiée à un chirurgien spécialisé dans les pathologies rachidiennes.
Cet expert va, à son tour, souligner le silence du dossier médical sur l’évolutivité de la pathologie. La patiente avait bien signalé une diminution de sa taille de près de 7 cm depuis la fin de son adolescence, mais l’expert ne s’en satisfaisait pas complètement.
Il mettra en doute également les déclarations du chirurgien selon lesquelles la paraplégie n’aurait révélé ses premiers signes qu’en SSPI, en l’absence de trace écrite du testing neurologique qu’il disait avoir réalisé sur table. Cette carence l’amènera à privilégier l’hypothèse d’un traumatisme direct lors de la réalisation du geste chirurgical, en conséquence à critiquer l’absence de scanner, de myélographie ou de myéloscanner post opératoire, qui aurait permis de détecter notamment l’éventuel erreur de trajet d’une mèche.
Responsabilité du chirurgien
Au vu de ces rapports d’expertise qui, sans être superposables, se ressemblaient, les juridictions successivement saisies par la patiente retiendront et confirmeront la responsabilité du chirurgien. Et ce alors que le mécanisme physiopathologique n’a jamais été identifié !
⚠️Ce n’est pas au titre de l’indication opératoire ou de la qualité de geste que la responsabilité sera retenue. C’est en raison principalement de l’absence d’imagerie de contrôle post opératoire immédiate.
Le chirurgien, on l’a vu plus haut, avait affirmé que le testing neurologique qu’il avait immédiatement réalisé était normal. Mais à défaut de traçage au dossier de ce testing et de ses résultats, les juges ont souverainement considéré que la paraplégie était d’emblée totale et que l’imagerie aurait permis de réaliser un geste de décompression immédiat !…
Où l’on voit donc que tout le raisonnement des juges s’articule essentiellement autour d’une absence, celle de la simple mention d’un examen pourtant bel et bien réalisé par le chirurgien.
Me Georges Lacoeuilhe
Cabinet Lacoeuilhe Lebrun associés
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