Les maladies inflammatoires de l’intestin sont des maladies chroniques dont les symptômes sont divers : douleurs abdominales, diarrhée, perte d’appétit, sang dans les selles… Les symptômes peuvent aussi être extra intestinaux : fatigue, uvéites, conjonctivites, arthralgie, thromboembolies, cholangite sclérosante… L’étiologie des MICI s’étend également à d’autre causes liées au cerveau, au foie, aux articulations. Malgré le développement des traitements et des moyens diagnostiques, il persiste toujours des lacunes thérapeutiques pour la prise en charge des patients MICI pour atteindre leurs objectifs cibles : une rémission clinique, une diminution voire une cicatrisation des lésions inflammatoires et une normalisation de la qualité de vie.
Ces lacunes thérapeutiques conduisent les patients à expérimenter des approches alternatives et complémentaires pour traiter leurs symptômes. Les éléments présentés dans cet article sont tirés de l’article « Holistic healthcare in inflammatory bowel diseas : time for patient-centric approaches ? » publié dans la revue GUT. La contribution du Dr Bonnaud enrichit et complète le contenu de l’article original, offrant ainsi une perspective plus complète et éclairante sur la question de la nécessité de la prise en charge globale des patients MICI dont la prévalence augmente encore.
Médecine intégrative
Les traitements alternatifs et complémentaires ou interventions non médicamenteuses (INM) représentent une large catégorie de pratiques ou de substances ayant pour but de prévenir, améliorer et traiter les troubles et symptômes des MICI.
A l’échelle mondiale, l’utilisation des INM n’a fait que s’accroitre au cours de ces dernières années. Les données suggèrent toutefois des variations en termes d’efficacité dans les MICI, ce qui nécessite une évaluation approfondie des avantages et des risques. L’OMS a par ailleurs standardisé ces pratiques : recherches de preuves scientifiques, recherches d’interactions avec d’autres médicaments, intégration dans les systèmes de santé…
👉 La médecine intégrative combine les meilleurs aspects de la médecine conventionnelle et de la médecine non conventionnelle. Elle reconnait l’importance de considérer le patient dans sa globalité, en prenant en compte des éléments tels que le microbiote et le psychisme du patient. Elle est très centrée sur des thérapies diététiques, la lutte contre la sédentarité et l’activité physique et les thérapies psychocorporelles et cognitivo-comportementales.
Les thérapies diététiques
Les patients MICI prennent eux même des initiatives et modifient leur régime alimentaire afin de contrôler les symptômes. Ces régimes alimentaires sont différents de la population générale et caractérisés par une consommation accrue des protéines animales et de sucre, ainsi qu’une diminution des fibres alimentaires et des vitamines. Ces changements alimentaires ont un impact sur la composition du microbiote intestinal et peuvent entrainer des états inflammatoires.
Les modifications des comportements alimentaires pourraient être intégrées dans les stratégies thérapeutiques pour les MICI. On distingue trois familles de stratégies thérapeutiques :
- Les stratégies nutritionnelles utilisées comme thérapie anti-inflammatoire : elles possèdent des propriétés anti-inflammatoires. Cela inclut des régimes alimentaires semi-élémentaires de nutrition orale et entérale par le biais d’aliments diététiques de type MODULEN et le régime CDED (Crohn’s Disease Exclusion Diet).
- L’adoption d’un régime anti-inflammatoire lors de poussée légère (hors formes sévères et compliquées) et en entretien en phase de stabilisation à long terme est aussi une approche bénéfique utilisée chez les patients atteints de MICI. Il est bien établi que les régimes riches en sucre, en aliments ultra-transformés ou en graisse peuvent favoriser les poussées de MICI. Par conséquent, cette approche vise à prévenir ces poussées en recommandant l’adoption d’un régime anti-inflammatoire en entretien, comme le régime méditerranéen.
- Les stratégies de gestion des symptômes : de nombreuses personnes présentent des symptômes fonctionnels associés aux MICI, pour lesquels des régimes pauvres en lactose et en gluten ou le régime excluant les glucides fermentescibles (FODMAPS) sont nécessaires afin de réduire ces symptômes.
Exercice physique
Il est crucial que les patients évitent de mener une vie sédentaire et qu’ils s’engagent également dans des activités physiques régulières. En effet, il convient, de faire une distinction entre ces deux aspects : il est important d’être actif dans la vie quotidienne et il est important de pratiquer de l’exercice physique.
Outre les bienfaits physiques, la pratique d’une activité sportive régulière et adaptée a des effets bénéfiques sur les troubles psychologiques et améliore la fonction émotionnelle des patients.
Thérapies Psychologiques
Plusieurs études ont validé l’efficacité de l’usage des thérapies psychocorporelles (Méditation en pleine conscience notamment) et cognitivo-comportementales sur la régulation du stress et des émotions ainsi que sur l’amélioration de la qualité de vie et des états anxiodépressifs lesquels ont une prévalence élevée en cas de MICI.
Médicaments et plantes médicinales
L’utilisation croissante de traitements alternatifs à bases de plantes est observée. Bien que, les études menées dans ce domaine souffrent de problèmes de qualité en raison des variations génétiques des patients, de l’hétérogénéité des maladies, d’objectifs mal définis et de biais importants dans l’exclusion des résultats négatifs, certaines recherches ont toutefois montré des résultats positifs. Par exemple, l’utilisation du curcuma, a démontré de réels bienfaits en termes de modification des biomarqueurs, de meilleure rémission des patients et d’amélioration de la qualité de vie. Le curcuma semble avoir la capacité de réguler les gènes impliqués dans les processus intestinaux tels que l’adhésion cellulaire, la cicatrisation des muqueuses, la régénération des cellules souches épithéliales et le développement cellulaire.
D’autres plantes ont également été étudiées, notamment l’absinthe et l’armoise qui améliorent la rémission clinique et la qualité de vie. Les mêmes bienfaits ont été constatés dans le cadre du recours au cannabis à usage médical pour l’amélioration de la qualité de vie et à la T.wildfordii (plante utilisée dans la médecine chinoise traditionnelle) pour une meilleure rémission clinique.
💡 Bien que ces recherches ouvrent de nouvelles perspectives sur l’utilisation des traitements à base de plantes dans la prise en charge des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, des études supplémentaires de haute qualité sont nécessaires pour mieux comprendre leur efficacité et leur sécurité.
Approches complémentaires pour une rémission globale : combinaison avec la médecine standard
A partir de données scientifiques actuellement validées, l’intégration de la médecine holistique dans la prise en charge des patients atteints de MICI par les gastro-entérologues est essentielle et tend à devenir une obligation de moyen pour les praticiens, à l’instar de la médecine conventionnelle médicamenteuse. Bien que le gastro-entérologue doive intégrer cette approche dans sa pratique, il a besoin du soutien d’autres professionnels de santé, que ce soit pour la formation ou le recours à des compétences externes, car aucun temps dans son cursus n’est dédié à la médecine holistique. Il est primordial qu’il soit entouré d’une équipe formée à l’Education Thérapeutique du Patient (ETP) et d’équipes de paramédicaux tels que des diététiciens, thérapeutes ou encore des coachs sportifs dont les formations sont labellisées.
De plus, l’utilisation d’outils digitaux, assistants de médecine intégrative peut apporter une aide précieuse. Ces assistants numériques peuvent être associés à la prise en charge physique et devraient faciliter les changements de pratiques en matière de nutrition, d’activité physique et de régulation du stress émotionnel. Il est à noter que ces outils numériques sont même remboursés par la FDA et les assureurs aux Etats-Unis. Un outil d’accompagnement thérapeutique, nommé DOCLIVI, a été développé en France et va au-delà des MICI vers la prévention en santé intégrative. Il est donc essentiel d’apprendre à les utiliser de manière appropriée pour maximiser leur efficacité.
Ce qu’il faut retenir
- Les MICI nécessitent une approche holistique de la prise en charge, tenant compte à la fois des symptômes intestinaux et extra-intestinaux, et de l’influence des facteurs environnementaux, de la santé mentale et physique sur la maladie.
- Les approches complémentaires et alternatives, telles que les régimes anti-inflammatoires, l’exercice physique et la régulation du stress voire l’utilisation des plantes médicinales, offrent des perspectives prometteuses pour améliorer les symptômes et la qualité de vie des patients.
- Les médecins ont maintenant l’obligation d’intégrer ces approches dans leur pratique clinique.
- Cependant, les gastro-entérologues ne peuvent pas accomplir cette tâche seuls. Une équipe multidisciplinaire comprenant des professionnels de santé para-médicaux est nécessaire pour offrir une prise en charge optimale.
- L’utilisation des nouvelles technologies d’assistance numérique peut jouer un rôle précieux dans la gestion des patients en association à la médecine humaine.
Dr Guillaume BONNAUD, Médecin gastro-entérologue et hépatologue, chef du pôle gastro-entérologie Branchet