Ces dernières années, le volume d’examens d’imagerie médicale a connu une hausse constante, tandis que le nombre de radiologues n’a pas suivi la même tendance. En conséquence, le nombre de radiographies à interpréter par radiologue augmente et le temps d’analyse alloué diminue ce qui peut engendrer une augmentation du taux d’erreur d’interprétation. A travers cet article, nous verrons comment exploiter l’intelligence artificielle en radiologie de manière efficace et éclairée, ainsi que les risques et bénéfices de cette utilisation pour le radiologue.
L’arrivée de l’intelligence artificielle en radiologie
Depuis quelques années, les métiers de la santé et notamment de la radiologie sont de plus en plus exposés aux innovations informatiques et notamment à l’intelligence artificielle (IA). Cet outil présente beaucoup d’avantages pour rendre plus performante l’activité du radiologue, permettant ainsi d’améliorer le parcours de soins. En effet, l’intelligence artificielle en radiologie permet par exemple, de déterminer les limites d’organe ou d’une lésion sur une image, d’effectuer une pré-lecture, de repérer les anomalies et de les quantifier. In fine, l’outil d’IA permet un gain de temps pour le radiologue. Néanmoins, il s’agit d’un outil à utiliser avec modération et efficience et dont il est impératif de connaitre les limites d‘utilisation.
En effet, bien que l’intelligence artificielle en radiologie puisse s’avérer être une aide précieuse, elle ne peut en aucun cas remplacer le radiologue. L’intelligence artificielle peut se présenter dans ces circonstances comme une aide pour les radiologues afin d’améliorer la qualité de l’image, d’aider à l’interprétation et d’optimiser le temps de travail du spécialiste. Cette notion est bien précisée dans le Code de la déontologie qui dispose clairement que les outils d’IA ne peuvent faire fonction d’une prise en charge radiologique. La garantie de vérification par un radiologue est indispensable. En aucun cas les outils IA n’ont pour but de pallier les problèmes démographiques territoriaux ni le manque de radiologues en France.
Par ailleurs, en 2021 une nouvelle disposition a été ajoutée dans le Code de la santé publique, à savoir l’article [L.4001-3], qui aborde spécifiquement l’utilisation de l’intelligence artificielle en exigeant que les professionnels de santé informent les patients de l’utilisation de l’IA et les avertissent de l’interprétation qui en résulte. Un arrêté ministériel doit établir, après avis de la HAS et de la CNIL, la nature des dispositifs médicaux concernés par ces exigences ainsi que leurs modalités d’utilisation.
Le non-respect de ces règles peut entraîner des sanctions.
👉 En cas d’erreur clinique, la responsabilité incombe entièrement à l’utilisateur, même s’il a reçu une formation adéquate et que l’appareil dispose du marquage CE. Dans tous les cas, la Responsabilité repose sur le radiologue. Cependant, si le fournisseur a fourni une formation inadéquate à l’utilisateur, il peut également être tenu pour responsable.
Radiologie, intelligence artificielle et cancer du sein
Dans le dépistage du cancer du sein, l’IA s’avère être un outil prometteur pour la détection des masses ou des micro-calcifications, prélire des images, repérer les anomalies et peut être un support de seconde lecture automatisée. Les études ont montré des résultats encourageants.
Toutefois, selon une étude publiée dans Radiology, un journal spécialisé en radiologie aux Etats-Unis et menée en Allemagne et aux Pays-Bas, il convient d’exercer une certaine prudence lors de l’utilisation de l’intelligence artificielle en radiologie. Cette étude quantifie comment l’automatisation peut influencer le radiologue de différents niveaux d’expérience lors de la lecture de mammographie intégrant de l’IA.
En effet, il a été constaté que cette automatisation peut introduire des biais et potentiellement affecter l’interprétation des mammographies, ce qui peut nuire aux performances des radiologues. Le biais d’automatisation peut être défini comme la tendance de l’humain à favoriser les suggestions émises par des logiciels d’aide à la prise de décision.
En ce sens, les résultats de cette étude semblent conclure que les radiologues sont influencés par les suggestions de l’IA. Les radiologues les moins expérimentés étaient affectés dans une plus grande mesure que les radiologues les plus expérimentés bien qu’eux aussi étaient influencés dans la prise de décision par l’IA.
Il est alors primordial de prendre en compte les interactions homme-machine et de s’assurer que l’intégration des IA dans les actes routiniers doit se faire de manière appropriée et efficiente dans les processus radiologiques. Lorsqu’il s’agit de l’interprétation des mammographies, qui est une activité répétitive et standardisée, la combinaison de l’expertise humaine avec l’IA peut poser un défi majeur en raison du risque de biais d’automatisation lorsque l’IA est intégrée dans le travail quotidien. Cela soulève une réflexion importante sur l’interprétation humaine, qui peut être influencée par ces biais conscients et inconscients.
⚠️ Il est essentiel de rappeler que l’IA n’est qu’un outil d’assistance et ne peut en aucun cas se substituer au jugement et l’analyse du radiologue. Le radiologue doit être conscient qu’il reste responsable de ses décisions car l’IA n’est pas fiable à 100%. Par conséquent, l’analyse du radiologue doit être clairement documentée dans le compte rendu, qui représente la pierre angulaire du travail du radiologue et concrétise l’acte de radiologie.
Bonnes pratiques de rédaction d’un compte rendu (CR) en radiologie :
- Avant la réalisation de l’examen, il est recommandé que le médecin demandeur et le radiologue informent le patient sur les détails de l’examen, les résultats attendus et les éventuelles complications. Il est également recommandé d’obtenir un consentement écrit du patient, attestant sa bonne compréhension, son accord et l’absence de contre-indication. Le recours à l’IA doit également faire l’objet d’une information spécifique du patient. Il est opportun de rappeler ces éléments au sein du CR afin d’en assurer la traçabilité.
- Le CR doit avoir une structure claire et organisée, comprenant des sections distinctes pour l’identification du patient, l’examen réalisé, l’organe ou le processus étudiés, les observations et les conclusions et, le cas échéant, le recours à l’IA.
- Les résultats radiologiques qui sont cliniquement significatifs et pertinents pour la prise en charge du patient doivent être mis en évidence dans le compte-rendu.
- Il y est également fait référence au dossier clinique et aux examens radiologiques précédents, en les comparants avec les résultats actuels pour évaluer l’évolution des conditions du patient.
- Le CR est enfin le document de circonstance pour formuler, si nécessaire, des recommandations pour des examens complémentaires ou des consultations spécialisées.
D’après un entretien avec le Dr Masson, radiologue et président de la Fédération Nationale des Médecins Radiologues (FNMR)