Un centre de radiologie peut-il être qualifié d’établissement de santé au sens des dispositions de l’article L 1142-1,I alinéa du Code de la Santé Publique ? De ce fait peut-il voir sa responsabilité de plein droit retenue au titre des infections nosocomiales ?
Si la Cour de cassation avait déjà écarté cette qualification pour les centres de radiologie exerçant sous la forme d’une SCM (Civ. 1re, 12 juill. 2012), la question était cette fois ci posée pour les SARL.
Les faits
Un patient, âgé de 70 ans, souffrait de douleurs au niveau de l’épaule droite, justifiant la réalisation d’un arthroscanner.
Cet examen était réalisé par un radiologue exerçant à titre libéral dans un centre d’imagerie dont les locaux étaient situés au sein d’un établissement de santé privé avec lequel une convention était signée.
Dans les suites de cet examen, une infection par streptocoque mitis était mise en évidence.
La procédure
Procédure de référé-expertise
Considérant avoir contracté une infection nosocomiale au sein de la SARL de radiologie, le patient assignait devant le juge des référés le radiologue, la société de radiologie et la clinique afin qu’une expertise soit diligentée.
Aux termes de son rapport, l’expert concluait à la survenue d’une infection nosocomiale survenue dans les suites de l’arthroscanner sans qu’aucun manquement ne puisse être retenu à l’encontre du radiologue.
Recherchant une indemnisation de ses préjudices, le patient assignait le radiologue, la SARL de radiologie où l’acte avait été pratiqué, la clinique et la CPAM.
La procédure devant le Tribunal
Si la survenue d’une infection nosocomiale était difficilement contestable en l’espèce, la clinique considérait que sa responsabilité ne pouvait être recherchée.
Elle insistait sur le fait que l’acte à l’origine de cette infection avait été réalisé au sein de la SARL de radiologie qui était indépendante de sa structure et devait être considérée comme un établissement de santé distinct de la clinique.
Par jugement en date du 17 mars 2015, le tribunal de Bastia confirmait l’absence de tout manquement du radiologue et condamnait la clinique à indemniser les préjudices en lien avec l’infection nosocomiale survenue, après avoir expressément écarté la qualification d’établissement de la société de radiologie.
Le Tribunal indiquait en effet que :
« Selon la convention signée entre la Clinique et le Centre Imagerie, le matériel radiologique de la SELARL [en réalité SARL] « est à la disposition de tous les praticiens intervenant à la Polyclinique du Docteur MAYMARD pour les examens de scanner des patients hospitalisés ou consultants.
Il est précisé que le tour de garde ou d’astreintes des radiologues « est communiqué au plus tard le 15 de chaque mois à la direction de la Clinique ».
Même si le Centre Imagerie, loue directement ses locaux à un particulier, en vertu d’un bail sous seing privé, il résulte du protocole de fonctionnement, que ce centre est situé dans les locaux de la Clinique et que les radiologues sont à la disposition de praticiens de la clinique pour ces actes d’imagerie, étant précisé que la Clinique ne prouve pas qu’elle dispose d’autre matériel lui permettant de réaliser ces actes.
Les locaux du centre d’imagerie sont donc hébergés par la Clinique.
Il est constant qu’un centre de radiologie a pour seul objet de faciliter l’exercice de la profession par chacun de ses membres, ce dont il résulte qu’il n’est pas l’une des structures auxquelles s’applique, en vertu de l’article L 1142-1 alinéa du Code de la Santé Publique, une responsabilité de plein droit pour les infections nosocomiales qui y sont intervenues.
En l’espèce, le Centre de radiologie assure tous les besoins de la clinique en matière de radiologie courante et bénéficie de l’exclusivité de l’installation et de l’usage de tout appareil radiologique dans la clinique, de sorte que cette dernière doit respecter les dispositions du code de la santé publique précité en matière d’infections nosocomiales. »
La Clinique interjetait appel de ce jugement.
La procédure devant la Cour d’Appel de Bastia
Si la condamnation de la Clinique était confirmée en appel, la motivation était cependant différente.
En effet, dans son arrêt en date du 22 février 2017, la Cour d’Appel de Bastia considérait pour sa part que le centre de radiologie (en ayant relevé à tort qu’il s’agissait d’une SELARL alors qu’il s’agissait d’une SARL) devait être qualifié d’établissement de santé :
« Si un centre de soins dont la forme juridique est une SCM de radiologie, n’est pas un établissement de santé au sens de l’article L 1142-1 du Code de la Santé Publique, tel n’est pas le cas d’une structure sociale qui a pour objet d’exercer la profession médicale. La SELARL, centre de radiologie, constitue une des structures auxquelles s’applique, en vertu de l’article L 1142-1 alinéa 2 du Code de la Santé Publique, une responsabilité de plein droit pour les infections nosocomiales qui y sont survenues. Les débats sur la faute ou l’absence de faute sont donc inopérants. »
La Cour d’appel a néanmoins considéré que la « SELARL » devait être considérée comme « étant le service de radiologie de l’établissement de santé, lui-même soumis aux dispositions de l’article L 1142-1 du Code de la Santé Publique pour les infections nosocomiales qui y étaient survenues. », expliquant ainsi que la condamnation de la clinique ait été confirmée.
Un pourvoi en cassation était formé par la clinique.
Premier arrêt de la cour de cassation
Aux termes d’un arrêt en date du 12 septembre 2018, la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation, sans se prononcer expressément sur la qualification de la SARL, cassait l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de BASTIA sur un motif de procédure et renvoyait cette affaire devant la Cour d’Appel d’Aix en Provence.
La procédure devant la Cour d’appel de renvoi
Par arrêt en date du 12 septembre 2019, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence considérait cette fois-ci que le centre de radiologie étant distinct de la clinique et réalisant des actes de diagnostic devait être tenu responsable de l’infection nosocomiale survenue :
« c’est bien au sein du centre de radiologie, établissement distinct de la Clinique et répondant à la définition de l’article L 1142-1 I du code de la santé publique en tant que réalisation des actes de diagnostic, que le patient a contracté une infection nosocomiale et non pas au sein de la clinique.
Pour fonder sa décision, la cour indiquait :
« la mise à disposition du scanner du centre pour tous les praticiens intervenant à la Clinique, réglementée par un protocole entre la clinique et le centre de radiologie qui fixe des règles destinées à faciliter le fonctionnement de la coopération entre les deux établissements, ne suffit pas à en déduire qu’il s’agit du centre de radiologie de la clinique.
Il n’est pas discuté que ces praticiens peuvent parfaitement adresser leurs patients à d’autres établissements et la cour relève que le protocole ne prévoit aucune règle d’exclusivité au profit du Centre de radiologie.La clinique indique sans avoir été contredite sur ce point que le centre de radiologie dispose de ses propres circuits d’approvisionnement concernant les dispositifs médicaux stériles et de son propre personnel de nettoyage pour les locaux et le matériel.
Il est également établi que la Clinique dispose de ses propres protocoles d’asepsie ainsi que d’un matériel de radiologie en propre qu’elle finance par contrat de location avec option d’achat.
Il convient enfin de relever que le patient a été adressé à ce centre de radiologie par son médecin traitant, sans lien avec Clinique et il n’est produit aucun document relatif à une admission du patient au sein de la Clinique. »
La SARL de radiologie, s’opposant à toute qualification d’établissement de soins, ne pouvait bien évidemment accepter cette décision puisque son objet social n’est que l’exploitation, l’achat, la vente ou la location de matériel.
Un second pourvoi était alors formé.
Le second arrêt de la Cour de cassation en date du 10 novembre 2021
Précisément interrogée sur la qualification d’établissement de santé, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt en date du 10 novembre 2021 (pourvoi n° B 19-24.227) énonce, pour la première fois :
« qu’une société à responsabilité limitée, qui est constituée par des médecins radiologues pour exercer leur profession et a pour activité l’exploitation, l’achat, la vente et la location de matériel d’imagerie médicale et de radiothérapie, ne peut être considérée comme un établissement au sens de l’article L. 1142-1, I, du code de la santé publique, soumis à une responsabilité de plein droit au titre des dommages résultant d’infections nosocomiales. »
La Cour, dans le prolongement de sa jurisprudence antérieure concernant les SCM, fait également grief à la cour d’appel de ne pas avoir recherché :
« S’il ne résultait pas du protocole conclu entre les parties pour le fonctionnement du scanner que la société était tenue d’assurer la permanence des soins des patients hospitalisés ou consultants à la clinique, par la mise en place, sous son contrôle, d’un planning de gardes et d’astreintes des radiologues et manipulateurs et constituait à ce titre le service de scanner de l’établissement de santé. »
Ainsi au regard de la jurisprudence actuelle : les SCM, SARL ou toute autre structure de moyens en radiologie ne peuvent être qualifiées d’établissement de santé et voir leur responsabilité de plein droit retenue au titre des infections nosocomiales.
Il en est évidemment de même pour le médecin radiologue dont la responsabilité professionnelle ne peut être engagée que pour faute.
Laure SOULIER et Philip COHEN
Avocats associés
Cabinet AUBER