Lorsqu’un patient décide d’engager des poursuites suite à un dommage survenu au décours d’une prise en charge médico-chirurgicale, il arrive fréquemment qu’il mette en cause tous les praticiens qui l’ont alternativement ou successivement pris en charge.
C’est notamment le cas en gynécologie-obstétrique, où le suivi de la grossesse peut être assuré par un premier praticien, tandis que l’accouchement est effectué par un autre, voire par plusieurs autres, en cas de complications.
Une fois évacué tout risque de conflit d’intérêts entre les différents praticiens, se pose la question de la stratégie de défense à mettre en place : défense individuelle ou défense collective ?
Une étude rétrospective des dossiers impliquant plusieurs gynécologues-obstétriciens nous a permis de constater que leur défense était d’autant plus efficace lorsqu’elle était commune, c’est-à-dire lorsqu’elle était assurée par les mêmes conseils (avocats et médecins).
C’est notamment l’enseignement que l’on tire d’un dossier dans lequel nous avons assisté trois praticiens : deux gynécologues-obstétriciens, les Docteurs A et B, et un anesthésiste-réanimateur, le Docteur C.
Il s’agissait d’une jeune femme de 25 ans qui confiait le suivi de sa première grossesse alternativement aux Docteurs A et B, lesquels ne constataient aucune anomalie.
A 41 semaines d’aménorrhée, la parturiente était prise en charge par le Docteur B, suite à la rupture prématurée de la poche des eaux, avec issue de liquide amniotique clair.
Un prélèvement vaginal montrait la présence d’un Entérocoque spp, pour le traitement duquel était administré du Clamoxyl (Amoxicilline).
Dans la nuit, suite à l’apparition de contractions utérines de bonne intensité, le Docteur C procédait à l’anesthésie.
Le reliquat de la poche des eaux était ensuite artificiellement rompu par la sage-femme, qui constatait cette fois la présence de liquide méconial, ce qu’elle ne rapportait pas au Docteur B, qui terminait sa prise en charge.
Le lendemain, en raison d’une hyperthermie maternelle associée à des frissons, et devant la persistance de la présence de liquide méconial, une césarienne était effectuée en urgence par le gynécologue-obstétricien de garde.
L’enfant naissait en état de mort apparente et, malgré les manœuvres de réanimation, décédait quelques heures plus tard.
L’autopsie devait mettre en évidence une pneumopathie méconiale sévère, tandis que les hémocultures réalisées avant l’accouchement identifiaient un germe Escherichia Coli, résistant à l’Amoxicilline.
La patiente saisissait alors la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des accidents médicaux (CCI), considérant que le décès du fœtus était lié à un mauvais suivi de la part de tous les intervenants, lesquels n’avaient, selon elle, pas tenu compte des signes infectieux persistants.
Lors de l’expertise, nous soutenions que le décès du fœtus était en lien avec une septicémie affectant la mère, et qui s’était développée en raison de la résistance inhabituelle et imprévisible du colibacille à l’antibiotique administré, en dehors de tout manquement des trois praticiens.
L’expert suivait notre raisonnement, et confirmait ainsi l’absence de manquement des praticiens dans le suivi de la parturiente. Nous obtenions ensuite un avis favorable de la CCI, qui rejetait la demande d’indemnisation de la patiente.
Insatisfaite, celle-ci saisissait le juge des référés aux fins d’obtenir une nouvelle expertise, cette fois judiciaire, et mettait à nouveau en cause tous les praticiens.
Notre défense commune nous permettait d’obtenir, par ordonnance, la mise hors de cause définitive des Docteurs A et C.
L’expertise judiciaire restait toutefois opposable au Docteur B, qui était en charge de la patiente la veille de l’accouchement, ainsi qu’à l’établissement de santé, en tant qu’employeur et donc responsable de la sage-femme.
Cette fois, l’expert judiciaire estimait que le Docteur B avait commis un manquement en ne s’enquérant pas de la situation de la parturiente, même en l’absence d’appel de la sage-femme, et qu’il n’avait donc pas pu constater, par lui-même, la coloration du liquide amniotique, ce qui avait empêché de prendre les mesures d’urgence qui s’imposaient.
Sur la base de ce rapport, les juges de première instance retenaient finalement la responsabilité in solidum du Docteur B et de l’établissement de santé, employeur de la sage-femme.
Ainsi, cette défense commune permettant l’élaboration d’une stratégie tant globale qu’individuelle, a permis d’une part de défendre au maximum la mise en cause de l’un des praticiens au titre d’une faute, et, d’autre part, de s’assurer que les deux autres praticiens initialement mis en cause demeurent hors du conflit.
Me Georges LACOEUILHE et Me Françoise FURIA
Cabinet Georges Lacoeuilhe
Avocats spécialiste en droit de la santé